C’est une des conséquences collatérales de la fermeture de nombreux axes de circulation au « trafic de transit » : le report du flux automobile sur le boulevard Rabelais, entre autres. Récit.
Le boulevard Rabelais est attirant sous plusieurs aspects : il est proche du centre-ville, jonché de platanes lui donnant un air de route de campagne, et bordé de jolies maisons habités par des Montpelliérains qui jusqu’à il y a quelques mois, vivaient une vie calme et sereine… et puis le tunnel de la Comédie ainsi que d’autres axes ont fermé, reportant le trafic de plusieurs dizaines de milliers de véhicules sur cette route. Le boulevard Rabelais est aujourd’hui un périphérique. Rempli de voitures, jour et nuit. Elizabeth a emménagé ici en mars 2021. Elle était tombée amoureuse de ce boulevard, qui correspondait parfaitement à ce qu’elle recherchait, à savoir une adresse centrale. Et puis quelques mois après son emménagement, l’enfer. Voitures, bus, camions, ça n’arrête pas. Jour et nuit cette mère de famille qui travaille aux Arceaux voit passer devant ses fenêtres des milliers de véhicules qui roulent à toute allure « il y a un ralentisseur sur le boulevard, je vois les voitures voler car elles ne freinent pas du tout… j’ai une voisine qui dormait depuis 30 ans la fenêtre ouverte, elle ne peut plus le faire, trop de bruit, trop de pollution… ». La qualité de vie d’Elizabeth se dégrade, et son bien immobilier aussi « je ne peux plus profiter de ma terrasse ». La montpelliéraine a écrit au maire mais pas de réponse, elle a donc décidé de publier un article dans La Gazette pour faire état de ce qu’elle vit, et il y a urgence, car la chaussée se dégrade « je vois des trous qui se forment sur la route, qui n’est pas calibrée pour accueillir autant de véhicules ». Ce que vit Elizabeth c’est ce que vivent les habitants du boulevard Rabelais mais aussi Vieussens, d’Orient et Berthelot. Justement, boulevard Berthelot, vit Alain, lui aussi questionne ce plan de circulation qui selon la ville a été pensé pour « sortir le trafic de transit du centre-ville » mais pour ce médecin c’est l’application d’un dogme « ils ont l’obsession du transit mais cet argument n’existe pas, où sont leurs études ? » La question que pose Alain est simple : comment vont circuler les montpelliérains ? « Avant pour aller visiter des amis à Castelnau je passais par le tunnel, maintenant je vais faire un détour jusqu’à l’autoroute ». Ces détours faramineux vont selon Alain augmenter la pollution « des voies qui étaient tranquilles vont être bourrées, c’est gênant ». Arrivé il y a 10 ans boulevard Berthelot, Alain voit la pollution augmenter depuis la fermeture de plusieurs axes de circulation « la pollution qui était étalée va se concentrer sur certains points, ça va être incroyable. » Et pourquoi ne pas prendre le vélo ? Alain évoque le fait que pour sortir de Montpellier, le vélo n’est pas adapté, quant aux fameux trajets de moins de 2 kilomètres faits en voiture dont parle les élus Alain répond « ce n’est pas vrai ! où sont les études ? Ce plan est improvisé, ils appliquent une idéologie, ont-ils consulté les montpelliérains ? » Il devient tellement compliqué de circuler dans Montpellier que pour certains trajets, Alain resquille et roule sur les rails de tram. Pas le choix. « Autrement on fait le tour de la ville ! » Quant à changer d’habitude, le médecin affirme que ce n’est pas possible pour tout le monde « regardez l’échantillonnage des habitants de montpellier, il y a 70 000 seniors, quand on est senior on ne pédale pas, on a souvent des problèmes de hanches, de genoux, je suis neurologue spécialisé dans la colonne vertébrale et la locomotion, je sais de quoi je parle, les seniors doivent marcher oui, mais une personne âgée ne va pas monter sur un tricycle… » Retraité, le médecin continue de suivre certains de ses anciens patients âgés qui sont catastrophés « ils me demandent « qu’est ce que je vais faire ? », ces gens-là vont rester chez eux, toute une partie des interactions dans la société va disparaitre parce que la grande couronne n’aura plus d’interactions avec le centre, ça va casser la vie sociale… » La ville du quart d’heure va aboutir selon Alain à la création de micro-sociétés fermées sur elles-mêmes « les gens ne se parleront plus, chacun va rester dans son coin, et si les gens ne se parlent plus on va vers un chao incroyable, c’est la fin d’un monde, comme une retour au moyen-âge, on ne sort plus de son village, on reste entre soi, c’est le fait de bouger qui nous a rendu plus intelligents, plus adaptables. » La conclusion du montpelliérain est nette : « pour mettre en place une politique il faut commencer par faire des études sérieuses, consulter la population, c’est la base de la démocratie, créer des groupes de travail, je connais l’association sud babotte, ils ont été refusés à un groupe de travail, or pour faire quelque chose qui est accepté il faut consulter les gens, les gens ont des solutions : là on impose par la force, en fonction d’une idée, les élus sont dans leur bulle ! »
Un certain nombre des habitants des quatre boulevards s’est constitué en collectif, pour obtenir un dialogue avec la mairie et des mesures pour retrouver la vie apaisée qu’ils ont aujourd’hui perdu.