Vivre Montpellier Métropole

La balade montpelliéraine

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CHAPITRE 1

Sillonner la vieille ville. C’était de loin le passe-temps favori de Fanny. A la fin de ses études de droit, quand il avait fallu choisir une ville où s’installer, elle n’avait pu se résoudre à quitter Montpellier.

La Normandie lui manquait un peu, oui, c’est normal, là-bas il y avait ses parents, ses amis d’enfance, mais ici à Montpellier, elle se sentait maintenant chez elle.

Ce n’était pas gagné au départ. Fanny voulait faire ses études à Paris. Et puis quand le jeu des affectations avait eu lieu, c’est son vœu numéro 4 qui avait été exaucé : faculté de droit de Montpellier.
Le sud. Une hantise pour Fanny. Elle avait formulé ce quatrième vœu par dépit, se disant que si jamais Paris I Sorbonne, Paris II Assas et Paris X Nanterre lui refusaient une place, Montpellier I accepterait sûrement…  Et finalement, c’est bien à Montpellier qu’on lui avait proposé d’entamer son cursus de Licence de Droit.

Surprise. Déconfiture.

Le sud. Elle avait en tête des images de paréos délavés, de garçons aux cheveux gominés, de filles écervelées riant à des terrasses de café en sirotant des Spitz tièdes. La légèreté, la superficialité même. Voilà ce qu’elle avait en tête quand elle pensait au sud.

Fanny avait donc redouté le déménagement.

Déjà, il avait fallu trouver un appartement. Fanny ne voulait pas vivre en coloc, elle avait envie d’habiter seule. Elle savait que les études de droit la destinaient à des années de travail intense, elle voulait être dans les meilleures conditions possibles.

Elle avait un petit budget constitué de la bourse d’études, 300€ par mois sur 9 mois de l’année, et de ses économies : les étrennes des 3 deniers Noël et les baby-sittings de son année de terminale : 3000€ mis de côté.

Selon ses estimations, elle aurait droit à une aide au logement de 233€ en se basant sur un loyer de 400€ (elle avait repéré plusieurs studios dans le centre de Montpellier à ce prix-là). L’appartement lui couterait donc moins de 200€, 167€ pour être exacte, prix auquel s’ajouterait l’électricité, l’assurance habitation et une box Internet, elle avait compté 100€, ce qui pousserait les dépenses fixes à 267€, qu’elle avait arrondit à 300€. La bourse prendrait donc en charge ces frais, et ses économies lui permettrait de vivre chichement, mais en toute autonomie. Son père lui avait proposé de lui envoyer une aide financière mensuelle, elle avait refusé, préférant « être indépendante », cela dit elle avait dans un coin de tête qu’en cas de galère, elle pourrait toujours appeler son père à la secousse…

Fin août, elle avait emménagé dans son studio rue de l’arc des Mourgues, à deux pas de la fac. Elle avait déniché des meubles sur des sites de dons entre particuliers, et sa mère lui avait acheté son canapé lit, le seul élément de l’appartement qui serait neuf.

Petit, le studio comportait tout le confort nécessaire. La pièce en alcôve conférait au lieu un charme certain. La salle de bain était refaite à neuf, ce qui était important pour Fanny, quant à la cuisine, ou plutôt la kitchenette, elle était équipée d’un mini frigo, d’une plaque de cuisson et d’un petit four, un luxe dans ces studios d’étudiants. Le four, c’était pour Fanny l’assurance d’un quotidien agréable, où elle pourrait cuisiner ses gâteaux et ses plats préférés. Une étagère intégrée et un mini dressing constituaient les espaces de rangement. Suffisant pour Fanny, qui possédait peu de choses…

Les premiers jours, avant de commencer la fac, Fanny s’était baladée dans l’écusson sans rien chercher de précis, elle voulait simplement connaître son nouvel environnement. En partant de chez elle, rue de l’arc des Mourgues, elle prenait la rue de l’Université qu’elle remontait, elle arrivait sur la place des martyrs de la résistance, où se trouvait la préfecture, puis elle empruntait la rue de la Loge, qu’elle descendait jusqu’à la place de la Comédie.

Ce trajet elle le parcourait tous les matins. Les premiers jours, Fanny ne s’était pas aventurée dans les ruelles, elle ne prenait que les grands axes, de peur de s’égarer. Elle regardait les boutiques, les visages des gens qu’elle croisait… et elle finissait ce petit périple en prenant un café au Riche, place de la Comédie. De là, elle admirait l’Opéra en rêvant à son année qui allait démarrer, cette nouvelle vie qui s’offrait à elle.

                                                                                                                                  ***

La rentrée s’était bien passée, Fanny avait noté soigneusement son emploi du temps, 25 heures de cours dont 5 heures de TD, répartis sur 4 jours par semaine. Pas de cours le jeudi. Cela lui convenait, elle savait que la première année de Licence était difficile, une journée de libre pour pouvoir réviser, aller à la bibliothèque, faire des fiches, ce n’était pas de trop.

Fanny avait décidé de dédier du temps à la découverte de la ville. S’aventurer dans les ruelles, les places et surtout, découvrir les secrets que recèle Montpellier. Elle savait que l’écusson regorgeait de trésors : on lui avait surtout parlé de l’architecture et du street art, elle avait hâte de rencontrer sa nouvelle ville.

La rentrée passée, les professeurs et camarades de classes présentés, Fanny avait démarré son exploration.

Elle était assez rapidement tombée sur la place de la Canourgue, en passant par la rue Foch. Flâneuse hors pair, l’étudiante avait eu un coup de cœur pour ce coin de Montpellier, fleuri, arboré, cerné de cette architecture du XVIIème siècle, dont les hôtels particuliers représentaient les emblèmes. Ici, elle lisait assise sur un banc, tournant le dos à la cathédrale Saint Pierre, ou bien elle prenait un café en contemplant les platanes et micocouliers qui encerclaient la place.

La place de la Canourgue était accessible par de petites ruelles : la rue Jean-Jacques Rousseau, où Fanny aimait acheter des viennoiseries dans cette boulangerie à la devanture hors du temps qu’elle et ses camarades appelaient « la boulangerie magique », la rue Sainte-Croix, qui donnait sur la rue Saint-Pierre, qui elle-même donnait sur la cathédrale Saint-Pierre, où Fanny aimait allumer un cierge parfois, en mémoire de son grand-père Yvan. La cathédrale Saint-Pierre était unique en son genre, avec ses deux monumentales tours devant lesquelles trônait en guise d’entrée un porche magistral. Autres ruelles qui débouchaient sur la place de la Canourgue : la rue du vestiaire, la rue du palais des Guilhem, ces deux-là donnaient sur la rue du puits des esquilles, où se trouvait, à l’angle de la rue de la barralerie, « le mikvé médiéval », datant de la fin du XIIème siècle, début du XIIIème. Fanny avait été fasciné par ce lieu sacré, le seul que l’on pouvait visiter parmi l’ensemble hébraïque médiéval qui comportait une synagogue et d’autres salles… A l’intérieur, elle avait bien reconnu le style roman, et la sacralité qui émanait de ce bain rituel l’avait ému aux larmes… il y a avait aussi la rue du Palais des Guilhem, où Fanny faisait du lèche-vitrine, dans de charmants magasins de meubles et décoration, où de temps en temps, elle s’offrait une petite broutille pour son studio… une bougie parfumée, une petite figurine, ou encore un cadre original… en se baladant autour de la place de la Canourgue, elle avait découvert rue de la Montgolfier une des créations de MifaMosa, un artiste qui s’amusait à illustrer les noms de rue en créant de petites œuvres en mosaïque, ici une Montgolfière au-dessus du panneau de la rue éponyme.

CHAPITRE 2

Rapidement, Fanny avait cherché un lieu où se poser pour boire un café le jeudi matin. Libre ce jour-là, elle avait envie de commencer la journée par un bon café pour ensuite filer à la bibliothèque. C’est rue Saint-Guilhem qu’elle avait trouvé ce qu’elle cherchait : un café écoresponsable, torréfacteur, qui proposait aussi une carte de petits gâteaux maison. Fanny appréciait cette rue commerçante qui démarrait aux Halles Castellane – un marché couvert où l’étudiante faisait une partie de ses courses et où elle connaissait de mieux en mieux les commerçants du coin, boulangers, primeurs, traiteurs… -, et qui descendait jusqu’au boulevard du Jeu de Paume, où passaient plusieurs lignes de tramway. Lors de ses premières balades, Fanny avait exploré plusieurs ruelles, qui, semblables à de petits ruisseaux, naissaient rue Saint-Guilhem et semblaient donner vie à d’autres minuscules rues : il y avait la rue draperie Saint-Firmin, d’où partait l’impasse du merle blanc, cul de sac où, contre toute attente, collé à un immeuble, avait pris racine un arbre aussi fin que long, preuve que la nature triomphe de tout avait pensé Fanny. En partant de cette rue draperie Saint-Firmin on trouvait aussi la rue du Bayle, d’où Fanny aimait apercevoir le haut de l’église Saint-Anne… dans ce coin, Fanny avait repéré plusieurs collages : des anges et des papillons rue du Bayle, un monstre vert rue Joseph Cambon, la rue Joseph Cambon qui donnait sur la rue des Gagne Petit, de loin la préférée de Fanny, tant elle semblait sortie d’un roman : des guirlandes de fanions en tissus africains colorés, inspirées des drapeaux de prières tibétains accrochées aux immeubles, çà et là, du street art, et puis au rez-de-chaussée du numéro 3, cette fenêtre d’où débordaient des plantes, si bien qu’on avait l’impression qu’une jungle végétale cherchait à pousser les murs de l’appartement… Fanny empruntait ensuite la rue du Puits du Temple pour retrouver la rue Saint-Guilhem, qu’on pouvait qualifier d’artère principale de l’écusson. Parmi les boutiques préférées de Fanny, on trouvait le marchand de CD et DVD d’occasion, où la jeune femme passait des heures à tenter de dénicher une pépite … elle aimait aussi s’offrir un éclair à la boulangerie tout en bas de la rue, juste avant de traverser le boulevard du Jeu de Paume et de passer admirer la vitrine de la boutique « tête en l’air », rue du Faubourg du Courreau, spécialisée dans les cerf-volant… Sur la rue Saint-Guilhem, les deux bâtisses favorites de Fanny, deux hôtels particuliers, se trouvaient aux numéros 31 et 35. Au 31, l’hôtel de Castries : construit en 1647, Fanny avait lu qu’il avait reçu la reine de France en 1660. Ce que Fanny appréciait particulièrement sur cette façade étaient les huit fenêtres du deuxième étage, aux encadrements sophistiqués, qui conféraient au bâtiment sa dimension royal. Au 35, l’hôtel de Ricard datait quant à lui du XVIIème siècle et venait d’être rénové. Fanny avait repéré de part et d’autre de la porte les ornements de coquilles Saint Jacques, elle avait appris que des statues avaient été retirées de là, laissant place à deux niches vides… où sont ces statues à présent ? s’était interrogée Fanny…

CHAPITRE 3

En novembre, Fanny se sentait bien plus à l’aise dans la ville. Elle se plaisait à être montpelliéraine, à vivre ici, dans cette cité qu’elle trouvait sublime et qu’à peine trois mois en arrière, elle ne connaissait pas… à la fac, elle réussissait à bien suivre les cours, le droit, c’était son truc, elle sentait qu’elle avait des facilités, même si elle passait des heures à travailler ses cours, c’était un plaisir pour elle d’étudier le droit, la loi. Cette matière la rassurait, le droit permettait de créer un tant soit peu d’ordre et de rigueur dans un monde qui lui semblait parfois chaotique.

                                                                                                                                              ***

L’été indien était définitivement terminé et Fanny se baladait maintenant en veste, bottes et écharpe… Ses écharpes étaient toutes uniques, en cachemire, tricotées à la main par sa tante Caroline. Caroline offrait chaque année une écharpe à Fanny depuis 10 ans. Dix écharpes plus belles les unes que les autres, confectionnées avec amour et qui représentaient pour Fanny un véritable trésor. Un jeudi matin, après avoir pris son café hebdomadaire rue Saint-Guilhem, elle tourna rue Saint-Anne. Le début d’année avait été intense, et Fanny n’avait pas pris le temps de flâner autant qu’elle le voulait dans l’écusson. Ce jour-là, elle allait découvrir le quartier Saint-Anne qui tenait son nom de l’église éponyme, point culminant de Montpellier, dont on apercevait le clocher  (presque) où que l’on soit dans la ville. L’église Saint-Anne datait du XIIIème siècle, avait été détruite, rebâtie au XVIème puis agrandie à la fin du XXème. Depuis quelques années, le lieu de culte était devenu une salle d’exposition d’art contemporain, où Fanny avait hâte d’aller faire un tour. Autour de l’église, une place pavée d’où Fanny avait découvert une des œuvres de Monsieur BMX -ce street artiste qui intégrait des vélos dans les murs, Fanny en avait repéré un sur l’esplanade du Peyrou quand elle avait débarqué à Montpellier-, une mosaïque de MifaMosa au-dessus de la plaque de la rue Saint-Anne -représentant un âne flanqué d’une auréole-, ou encore cette œuvre figurative colorée, juste à côté d’une école de musique, où, pourquoi pas, elle pourrait s’inscrire pour reprendre le violoncelle… près de là, il y avait même un luthier, installé dans ce qui semblait être une maison au cœur de cet écusson qui n’était quasiment fait que d’immeubles emboités les uns aux autres… alors qu’elle se baladait dans le quartier, prête à s’engager dans une des ruelles attenantes à la place, Fanny entendit monter dans l’air une mélodie jouée à la guitare par un monsieur tout à fait unique : très mince, un chapeau vissé sur la tête et des lunettes noirs sur le visage, il jouait des airs de chansons d’amour, d’Edith Piaf à Joe Dassin… Fanny se laissa bercer un moment avant de reprendre son exploration.

                                                                                                                                                 ***

Quand elle se décida à poursuivre son parcours, Fanny se retrouva dans des dédales de rue : d’abord la rue d’Espeisses, qui débouchait sur la rue Stanislas Digeon, puis à gauche, rue Eugène Lisbonne, et après avoir jeté un œil à l’hôtel d’Aurès, elle poursuivit sa balade rue Phillippy, qui donnait à droite sur la rue Ranchin qui elle-même donnait à gauche à nouveau sur la rue Saint-Anne, et de là, elle prit la rue de Castelnau qui formait une boucle et menait rue de l’Amandier… rue de Castelnau, elle avait noté la petitesse de certaines portes, au numéro 5 par exemple, ou bien au 8 ou encore au 10…  rue de l’Amandier, elle avait craqué sur les chats au mur et les collages d’anges au niveau du numéro 34… Fanny avait aussi repéré la beauté de la plaque du numéro 37, faite en mosaïque. Arrivée au croisement de la rue de Amandier/Terral, la promeneuse avait zieuté une mosaïque tout à fait spéciale, qui s’avérait être un « space invader » : il y en avait d’autres à Montpellier, et même dans d’autres villes en France. L’artiste « Invader » plaçait ça et là ces personnages sortis d’un jeu vidéo vintage. Certains aficiodanos organisaient même des chasses, pour identifier et prendre en photos tous les space invaders… Etrangement, ce space invader, une œuvre de street art qui appartenait à la pop culture, se trouvait en face d’un monument historique, une façade aux splendides fenêtres ogivales datant du XIIIème, XIVème siècle… d’hier à aujourd’hui se disait Fanny, Montpellier est une ville mystérieuse et surprenante… elle avait hâte de découvrir la suite mais pour l’heure, elle avait décidé de quitter le quartier Saint-Anne en passant par la place du Petit Scel –où elle avait badé quelques instants la vitrine d’un bijoutier qui proposait une gamme de bagues et colliers en plexiglass-  puis la rue du Petit Scel. Là, l’étudiante salua un autre space invader à l’angle de la rue Foch, avant de se diriger vers l’arrêt de tram pour rejoindre la bibliothèque du quartier Port-Marianne.

CHAPITRE 4

A l’approche des fêtes de Noël, qu’elle passerait au Havre chez ses parents, Fanny s’était lancée dans une recherche de cadeaux. Etudiante, elle disposait d’un budget limité : quelques euros par cadeau à peine. Alors qu’elle errait dans l’écusson sans trop savoir où chercher, Fanny avait atterri rue de la Vieille, et c’est là qu’elle avait trouvé son bonheur.  L’endroit où naissait la rue de la Vieille, Fanny avait d’abord cru qu’il s’agissait d’une placette, tant cette partie de la rue prenait une forme ronde. En fait, le numéro 6 de la rue formait un renforcement au sein duquel plusieurs établissements s’étaient installés et l’un d’eux, un pub, bénéficiait d’un encadrement de porte somptueux : il pouvait s’agir de l’entrée « officielle » de cette bâtisse, auquel cas les architectes avaient surement voulu en faire quelque chose de remarquable, en dessinant cette pièce sculptée que Fanny avait pris le temps d’admirer. Sur cette « placette », les différents établissements avaient disposé des tables, et les clients bullaient ici depuis qui sait combien de temps. Il y avait un couple de trentenaires avec un bébé qui tentait de boire un verre tout en donnant une compote à leur fille Alma, un prénom que le papa répétait sans cesse tout en éloignant et en rapprochant la cuillère de compote de la bouche du bébé « Regardes Alma, l’avion ! Vas-y Alma, vas-y, oui ! Tu as bien mangé Alma ». A côté, une mamie très chic portait un chapeau vert olive assorti à ses chaussures et sirotait un thé glacé en envoyant un texto. A la troisième table, un groupe de trois jeunes garçons, des étudiants de la fac que Fanny ne connaissait pas mais qu’elle avait croisé dans les couloirs de l’établissement. Ils riaient et semblaient très heureux de prendre un verre ensemble. Fanny les enviait un peu, elle ne s’était pas encore fait beaucoup d’amis à la fac et elle pensait souvent aux camarades qu’elle avait laissé au Havre. C’est Aline qui lui manquait le plus, son amie d’enfance. Aline était restée au Havre, elle avait choisi de devenir assistante maternelle. Les deux amies s’étaient promis de se revoir au plus tard l’été suivant. En attendant, elles parvenaient à passer une soirée par semaine au téléphone pour tout se raconter.  

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Toujours à la recherche de pépites de street art, la montpelliéraine avait remarqué deux carreaux collés au mur, un où était dessiné un visage énigmatique, l’autre, en forme de biscuit, représentait un personnage à la mine étonnée. Une fois engagée dans la rue, Fanny avait été aussi séduite que surprise : la rue de la Vieille était d’un charme fou, avec ses guirlandes de fanions, comme la jeune femme l’avait vu rue des Gagne Petit, la ruelle était aussi remarquable de part son étroitesse. Fanny s’était même demandée si une personne d’un mètre quatre-vingts aurait pu se coucher dans la largeur de la rue… Dans les boutiques de cartes postales, boîtes à musique et ateliers d’encadrement, Fanny avait trouvé de mignons petits cadeaux à offrir à sa famille. Elle était ravie et quitta la rue de la Vieille qui débouchait rue de l’Argenterie. Fanny descendit cette rue jonchée de boutiques de luxe : au 8, l’encadrement sculpté de la porte en bois massif, surement d’époque avait-elle songé, laissait apparaitre un visage… sur cette même porte avait été placé un heurtoir… Qu’est-ce qui se cache derrière cette entrée ? s’était demandée Fanny, qui rêvait de pénétrer dans cet étrange lieu à côté duquel, au numéro 10, une porte en ogive servait d’entrée à ce qui fût, jadis, le palais des ducs d’Aragon… Fanny se trouvait là place des Arts, elle nota avant de poursuivre sa promenade un space invader rouge et orange, en forme de montgolfière. Au 13 de la rue de l’Argenterie, son regard fût attiré par l’immeuble qui semblait avoir été construit en deux fois : le rez-de-chaussée et le premier étage étaient en pierre, semblable aux autres constructions de l’écusson, mais à partir du deuxième étage, l’immeuble était construit en briques, identiques à celles qu’on trouvait à Toulouse. 

CHAPITRE 5

Partie 1

En février, la mère de Fanny était venue lui rendre visite le temps d’un week-end. Depuis Le Havre, Jeanne avait pris le train pour Paris, était arrivée à Saint Lazare, avait pris le métro -la ligne 14- pour rejoindre la gare de Lyon et attraper son TGV direct pour Montpellier. Elle était partie de chez elle à 10h du matin le vendredi et était arrivée à 17h chez sa fille. Une sacrée épopée pour Jeanne qui n’avait pas l’habitude de quitter la Normandie. Jeanne avait marché depuis la gare à l’appartement de Fanny, qui avait cours jusqu’à 18h. La mère de l’étudiante avait eu une excellente première impression de la ville. Elle avait trouvé Montpellier claire, belle, authentique. Arrivée chez Fanny, elle avait défait ses affaires, s’était préparé un thé, et avait profité de quelques instants de répit. Jeanne avait apprécié l’appartement de sa fille, joliment décoré, pratique et charmant. Elle était heureuse de passer deux jours complets avec sa fille qu’elle n’avait pas vu depuis Noël. Depuis le départ de Fanny pour Montpellier, le quotidien de Jeanne avait changé : désormais, elle vivait différemment : plus besoin d’avoir toujours le frigo plein, de réfléchir aux repas, d’attendre, anxieuse, que sa fille rentre le soir lorsqu’elle avait une sortie de prévue avec ses amis… Ce moment de la vie de parent, Jeanne ne l’avait pas vu venir, elle retrouvait une forme de liberté mais sans savoir quoi en faire… Pour l’heure, elle était heureuse de passer un week-end ici, chez sa fille. Fanny lui avait parlé de plusieurs activités à faire à Montpellier et surtout d’une balade dans le centre-ville… c’est ce que firent les deux femmes le samedi, en commençant par un quartier dont Fanny avait beaucoup entendu parler, mais qu’elle n’avait pas encore découvert : le quartier Saint Roch.

                                                                                                                            ***

Jeanne et Fanny avaient emprunté la rue du Four des Flammes direction l’église Saint Roch « Saint Roch est le Saint patron de la ville, si la gare de Montpellier s’appelle « Montpellier Saint Roch », ce n’est pas pour rien… Roch est né à Montpellier et a aidé les autres toutes sa vie, du coup il a été canonisé et il est devenu « Saint » Roch… » précisa Fanny « en été on fête la Saint Roch à Montpellier, je vais y aller cette année ». En face du restaurant La Tomate, Jeanne avait flashé sur les nombreux collages au mur et à peine plus loin, sur les bornes en pierre peintes. Arrivées place Saint Roch, elles contemplèrent l’église puis se retournèrent sur le gigantesque trompe l’œil peint au mur. La mère et la fille consacrèrent un long moment à décortiquer visuellement la fresque, tentant de repérer tous les détails. L’élément favori de Fanny avait été l’église peinte à la façon d’un reflet dans un miroir. Quant à Jeanne, c’étaient les personnages aux fenêtres qu’elle avait adorés. Elles empruntèrent ensuite la rue du Plan d’Agde, et au croisement avec la rue En-Gondeau, Fanny avait montré à sa mère un carreau collé au mur en forme de biscuit « il y a le même dans une autre rue de l’écusson ! » s’était-elle exclamée, heureuse de connaître de mieux en mieux sa ville et capable de noter ce genre de détails. Jeanne avait quant à elle flashé sur le dragon qui se trouvait au-dessus du biscuit ainsi que sur les fleurs collées à l’angle de ce même croisement. Poursuivant leur balade rue Fontaine, elles avaient aimé les guirlandes de fanions bleus qui décoraient la rue « il y en a dans plein de ruelles des guirlandes comme ça » avait précisé Fanny avant d’être attirée par la plaque du numéro 12 de la rue Fontaine. Demi-tour, la mère et sa fille prirent la rue En-Gondeau, tournèrent à gauche sur la rue Latreilhe, où Monsieur BMX avait encore frappé…

                                                                                                                          ***

Il y avait quelque chose de précieux dans cette balade, pour chacune des deux femmes. Elles avaient déjà voyagé toutes les deux auparavant, à Venise par exemple, elles avaient sillonné la ville de la même façon, mais avec ceci de différent que toutes les deux étaient des touristes. Là, dans l’écusson, Jeanne était un visiteur et Fanny une autochtone, elle vivait là et guidait sa mère. C’était une première, et c’était aussi agréable à vivre pour l’une que pour l’autre.

Partie 2

L’heure du déjeuner arrivée, Fanny et sa mère avaient choisi de manger au Bouchon Saint Roch, un restaurant de la rue du plan d’Agde qui servait des plats gourmands. Entrée, plat, dessert, elles s’étaient régalées et étaient prêtes pour poursuivre l’exploration du quartier.

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A l’angle de la rue du Petit Saint-Jean et de la rue du Four des Flammes, sous la pancarte de la rue du Petit Saint-Jean, une œuvre splendide avait attiré leurs regards, cela ressemblait à des plantes sous-marines, peintes en bleu roi, bleu turquoise, rose corail… l’œuvre prenait place entre une gouttière et le cadre d’une porte, ce qui créait un cadre naturel. Devant l’œuvre, une table et une chaise vide, qui appartenaient probablement à la boutique attenante. Jeanne avait apprécié cette vue « ça donne envie d’aller à Malibu tu ne trouves pas ? » avait-elle lancé à sa fille. La mère de Fanny cultivait un goût pour les Etats-Unis qui la fascinaient. Fan de cinéma, elle se délectait des films américains classiques. Un de ses films favoris était Le Lauréat, avec Dustin Hoffman, qui avait justement été tourné à Malibu. Les Etats-Unis et particulièrement la côte Ouest évoquaient à Jeanne la liberté, la légèreté, le soleil, la plage, le rêve. Elle avait passé un week-end à New York à l’occasion du mariage de sa cousine, mais la côte Ouest américaine était une destination encore inconnue pour Jeanne. Maintenant que sa fille était indépendante, elle pensait organiser ce voyage très bientôt. 

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Plus loin, à l’angle de la rue du Petit Saint-Jean et de la rue des Teissiers, Jeanne avait repéré un hérisson au numéro 9, puis une œuvre de Mada.tak : quatre collages successifs, ultra colorés, le deuxième tableau en partant de la gauche représentant un personnage moustachu, tenant à la main une spatule et vêtu de blanc, comme un chef de cuisine… Fanny avait montré à sa mère le compte instagram de l’artiste, qui comme beaucoup de street artistes ne dévoilait pas son visage mais seulement son processus de création. Sous l’œuvre de Mada.tak, un banc de poissons, comme Fanny en avait repéré ça et là dans le centre-ville. Jeanne et sa fille revinrent ensuite sur leurs pas, passèrent devant une jolie boutique autour de laquelle été collés des cygnes puis poursuivirent leur marche jusqu’à la Grand rue Jean Moulin, où se trouvait, sous le panneau indiquant le nom de la rue, le mot « amour » en police graffiti, rose et noir. Jeanne et Fanny avait demandé à un passant de les prendre en photo sous l’œuvre puis s’étaient dirigées ensuite rue Copé Cambes, elles avaient entendu parler d’un hammam où elles avaient envie de passer une partie de l’après-midi…

                                                                                                                                        ***

La suite du week-end avait filé. Le dimanche, Jeanne et Fanny avait brunché puis s’étaient baladées au jardin des plantes. Le train de Jeanne partait à 15h. Elle serait chez elle avant minuit, repensant en s’endormant aux merveilles montpelliéraines qu’elle avait pris plaisir à découvrir, et à sa fille, qui semblait heureuse et épanouie. Tout allait bien.

CHAPITRE 6

Partie 1

Fanny vivait près de la rue de l’Université. De chez elle, moins de cinq minutes à pied pour rejoindre la fac de droit. Le plus pratique pour l’étudiante aux petits moyens était de pouvoir rentrer déjeuner chez elle. Cela lui permettait de ne pas trop dépenser d’argent en sandwich, kebab et autres restaurations rapides plébiscitées par ses camarades. De la même façon que lorsque l’on vit à Paris, on ne monte pas à la tour Eiffel, jusqu’à la période de révisions des partiels de la fin de l’année, Fanny n’avait pas exploré son propre quartier. Harassée par la relecture de ses fiches, elle avait décidé de mettre en place une routine : elle révisait jusqu’à 17h maximum, qu’elle ait commencé à 7h ou à midi, à 17h pétantes, elle allait faire un tour dans son quartier.  

                                                                                                                                   ***

En sortant de chez elle rue de l’Arc des Mourgues, elle aimait jeter un œil au balcon du numéro 7, où de petites fleurs étaient suspendues, humbles mais bien là. Dessous, une entrée avait été sublimée par un graff représentant une femme marchant dans une ruelle. Au bout de sa rue, la rue de l’Université : en prenant à gauche, Fanny arrivait à l’arrêt de tram Louis Blanc, le plus proche de chez elle, et à droite en remontant la pente, elle arrivait place Chabaneau. Tout droit, elle se retrouvait rue Sainte-Ursule, à sa gauche l’Agora et à droite, un petit dragon, identique à un autre qu’elle avait repéré avec sa mère dans le quartier Saint Roch, bleu cette fois, et à côté un collage : une femme brune, coupe au carré et frange, béret sur la tête, rouge comme ses lèvres et le gant qui habillait sa main, une main qui tenait un revolver, un revolver qui pointait tout droit. En remontant la rue Sainte-Ursule, la jeune femme avait noté à l’entrée de la rue Claude Serres un petit collage : un bonhomme avec une télé à la place de la tête. La deuxième ruelle à droite avait ceci de cocasse que le panneau de numérotation de rue du 8 était placé à l’envers, rendant la boucle supérieure du 8 plus grosse que la boucle inférieure… au bout de cette rue, Fanny débouchait sur une ruelle tout à fait spéciale : la rue du Plan de l’Olivier. Cette rue en coude abritait au niveau du numéro 29 un olivier ainsi qu’une fontaine. Fanny fût séduite par la vue de cet arbre qui trônait là, cette âme solitaire au cœur de l’écusson… l’étudiante contempla l’olivier quelques secondes puis se décida à monter les marches de la rue Gui de Chauliac -une ruelle faite entièrement d’escaliers – pour rejoindre la rue de la Verrerie. A gauche, rue du Calvaire, de jolis cœurs de couleurs dessinés au sol. Un peu plus loin, à la croisée de la rue de la Verrerie, de la rue Chrestien et de la rue Urbain V, un collage noir, blanc et or signé @sunnyjimart, un collage qui représentait un personnage caché derrière un éventail. Fanny prenait à gauche rue Urbain V, à sa gauche, un mur derrière lequel semblait s’étendre un luxuriant jardin… de quoi s’agissait-il ? De la cour de l’ancien collège de Mende, juste derrière ? Du jardin d’un montpelliérain chanceux ? D’un secret que nul ne connaissait ? Fanny mènerait son enquête plus tard… en attendant elle rebroussait chemin, se dirigeait rue Chrestien, admirait les belles de nuit au numéro 2 de la rue avant de retraverser la rue de l’Université, pour se retrouver rue de Candolle.

                                                                                                                                         ***

En arpentant la rue de Candolle, elle notait à sa gauche l’impasse Coustou, où se trouvait un mur semblant avoir été construit à une autre époque que le reste… Fanny se demandait de quoi il s’agissait… tous ces mystères de la ville, elle voulait les percer à jour, puis son esprit divaguait sur un sujet plus terre à terre : le boulot d’été qu’il faudrait trouver pour assurer les dépenses de l’année prochaine. Elle n’avait pas pu faire de baby-sitting cette année, alors elle avait misé sur l’obtention un travail saisonnier, par exemple dans un restaurant ou bien une plage privée. Ses partiels terminés, elle irait se présenter directement sur place, elle savait que les patrons étaient sensibles à la rencontre directe. La rue de Candolle menait à la place éponyme où se trouvait une œuvre de l’artiste Sunra. Entre les numéros 8 et 10, un petit panda s’était installé. En tournant à gauche rue Gariel, Fanny se retrouvait plan de l’OM, où un autre Sunra, la balayeuse, se laisser admirer.

Partie 2

Fanny aimait suivre cette boucle. Tous les jours, elle retraçait à peu de choses près le même chemin. Parfois, quand elle se trouvait devant la rue du Calvaire, elle l’empruntait, ce qui la menait à gauche rue de l’Ecole de Pharmacie, puis deuxième à droite rue de l’Aiguillerie. Quand elle passait par là, à l’angle de la rue de l’Ecole de Pharmacie et de la rue du Plan de l’Olivier, elle jetait un œil à l’amusant graff’ qui représentait un personnage les fesses à l’air perché en haut d’une échelle. En règle générale, elle suivait le chemin habituel et une fois la balayeuse de Sunra saluée, c’est au nord de la rue de l’Université que la balade de Fanny se poursuivait.

                                                                                                                                    ***

La rue de la Vieille Intendance reliait la place de la Canourgue à la rue de l’Université. Les immeubles majestueux en pierre de taille qui peuplaient cette ruelle ravissaient Fanny. Elle avait observé deux space invaders, l’un à l’angle de la rue du Figuier, l’autre un peu plus loin, à peine après le numéro 9 de la rue de la Vieille Intendance, qui s’avérait être l’hôtel de la Vieille Intendance. Fanny avait appris qu’à l’époque, « l’intendance » était l’administration notamment chargée de la gestion financière et de la collecte des impôts. Dans cet hôtel, logeait l’intendant de la province, délégué par le roi. Aux numéros 8 et 10, Fanny avait aussi remarqué deux jolis immeubles et au numéro 7, une adorable mosaïque pour afficher le numéro de la rue… elle aimait ce genre de détails… Elle se plaisait aussi à imaginer les propriétaires des lieux qui avaient voulu démarquer leur habitation et pour ce faire, choisi cette mosaïque indiquant le numéro de la rue auquel ils habitaient. Comment avaient-ils fait leur choix de couleur ? Était-ce la couleur préférée de leur fille ? Ou bien de Madame ? Ou peut-être de Monsieur…

                                                                                                                                     ***

Un peu plus loin, rue Castel Moton, Fanny remarqua un MifaMosa représentant un mouton et au numéro 11 un magnifique heurtoir de porte. Dans ce coin de la ville, la jeune femme avait photographié l’imposante porte rose en forme d’Arche au 1 de la rue Fournaire, il s’agissait de la porte de l’hôtel de Solas, où résidait Louis XIV lors de ses passages à Montpellier. Autre porte pour une autre photo : au fond de l’impasse de Ratte, celle-là était ornée d’une fenêtre en losange, qui lui conférait un air de porte de conte de fée. A chaque fois qu’elle passait ici, Fanny espérait voir l’habitant.e des lieux sortir de là, Fanny s’imaginait une personne étrange, vêtue d’une robe longue ou bien d’un manteau à capuchon… La jeune femme continuait ses pérégrinations autour de la rue de l’Université et entrait rue d’Aigrefeuille, où se trouvait au-dessus du panneau de la rue une illustration de ce qui ressemblait à un écureuil, de là, elle faisait une pause dans le square de l’intendance du Languedoc, aussi joli qu’inattendu en plein cœur de la vieille ville : dans ce square se trouvait une cascade ! Sortie du parc, Fanny prenait la rue de la confrérie où elle avait repéré une petite maison au numéro 5, très mignonne, rose pâle, laissant pousser sur sa façade une plante bien fournie.

CHAPITRE 7

Partie 1

C’était le début de l’été et Fanny était amoureuse. En se rendant à son boulot saisonnier -elle travaillait chez un glacier dans l’écusson- elle sifflotait, heureuse et remplie d’une joie nouvelle. Elle avait rencontré ce garçon au cours du mois de mai, une fois ses partiels finis, alors qu’elle bullait dans un café du sud de l’écusson, quartier de la Méditerranée, où elle s’était retrouvée alors qu’elle cherchait des Sunra. Fanny avait découvert plusieurs œuvres de cet artiste qui travaillait autour du thème du cœur : près de chez elle, place Candolle, un charmeur de serpent jouait de la clarinette et à la place des serpents, des cœurs s’échappaient du panier, près de la gare un jeune garçon regardait une multitude de cœurs s’envoler devant lui… Fanny avait donc enquêté et voulait trouver toutes les œuvres de l’artiste. Il y en avait plusieurs dans le quartier de la Méditerranée qui, avait-elle compris, était le quartier à arpenter à Montpellier pour les amateurs de street art.

                                                                                                                            ***

Arrivée à bon port, Fanny avait été heureuse de trouver effectivement du street art partout dans le quartier. Sur les murs, les gouttières, les portails, les boîtes aux lettres, au-dessus des fenêtres, des panneaux de rue… Collages, peintures, graffitis, fresques… des dizaines d’œuvres s’offraient à l’étudiante et elle s’en délectait… Elle avait particulièrement apprécié l’immense œuvre noir blanc et or de l’artiste Majeon à l’angle de la rue Pralon et de la rue d’Alsace, ou encore, toujours rue Pralon « l’escrimeuse » signée « Cléo », inspirée du bronze de Germaine Richer. L’enquête pour trouver des œuvres de Sunra avait été fructueuse : Fanny en avait repéré une au 3 rue Pralon, au milieu d’une multitudes de créations qui s’étendaient du portail de la maison au mur… qui habitait ici ? Était-ce les artistes eux-mêmes ? Ou bien des Montpelliérains qui appréciaient que leur lieu de vie soit empreint d’œuvres d’art accessibles à tous ? Est-ce que les habitants de ces lieux étaient tous d’accord pour devenir galerie d’art ? Et s’ils ne l’étaient pas, que pouvaient-ils faire ? Ne serait-ce pas un sacrilège de repeindre en blanc cassé une œuvre unique ? Fanny s’étaient posé de nombreuses questions depuis qu’elle habitait cette ville.

                                                                                                                                ***

Fanny avait passé plusieurs minutes à contempler les œuvres du numéro 3 de la rue Pralon puis avait poursuivi sa balade jusqu’à la fin de la rue : elle se retrouva alors sur une jolie place arborée où deux cafés avaient installé quelques tables et sur le mur de laquelle était peint un colossal trompe l’œil que Fanny avait pris le temps d’admirer avant de se rendre compte qu’un petit biscuit au visage souriant -semblable à ceux qu’elle avaient remarqué rue de la vieille et dans le quartier Saint Roch – était collé là. Non loin de cette place, au niveau du 19 rue Isidore Girard, Fanny eu le plaisir de trouver un autre Sunra : un enfant jouait au base ball avec à la main, à la place de sa batte, un bouquet de fleur, en face de lui, le bambin de l’équipe adverse, qui se préparait à lancer non pas une balle, mais un cœur… « Love always wins » était inscrit sur cette œuvre-là. Dans cette rue, Fanny avait apprécié la peinture de Mokë, remake de « La vue du village » de Frédéric Bazille. La jeune femme avait aussi pris quelques instants pour examiner la devanture de la maison qui se trouvait au numéro 25 : au-dessus des fenêtres, de splendides sculptures colorées représentant des coquilles Saint Jacques, des fleurs… et sur la façade de la maison, une plante qui produisait de jolies fleurs orange.

Partie 2

Fanny était éprise du charme de ce quartier. Un calme régnait ici, une douceur. Le quartier de la Méditerranée alliait une certaine quiétude et un véritable dynamisme grâce à ce street art omniprésent. Une galerie d’art à ciel ouvert. Fanny se retrouvât rue de la Méditerranée où elle allait repérer d’autres œuvres de Sunra… notamment une près d’une boutique vintage qui proposait des objets des années 50, 60, 70. Le panneau de la boutique était rouge, tout comme le tag sur la boîte aux lettres attenante, tout comme les cœurs qui s’échappaient de la trompette jouée par le musicien imaginé par Sunra, tout comme la devanture de la boutique qui suivait. Fanny avait apprécié ce rappel de couleur : a-t-il été voulu ? Ou bien est-ce un étrange hasard ? S’était-elle questionnée. La jeune femme remonta la rue de la Méditerranée, au bout, on pouvait apercevoir le tramway passer, la ligne 1 direction Mosson, la ligne 3 direction Pérols, le tram était un des seuls points communs entre Montpellier et Le Havre, la ville d’origine de Fanny. Au Havre comme à Montpellier, un tramway traversait la ville. Le Havre manquait à Fanny parfois. Ce qui lui manquait surtout était d’avoir la mer dans la ville. Elle y allait tous les jours quand elle vivait là-bas. Désormais montpelliéraine, Fanny se rendait à la plage le dimanche, parfois en vélo, parfois avec des amis de la fac qui avaient la chance d’avoir une voiture.

                                                                                                                                                   ***

Rue de la Méditerranée, outre le Sunra au numéro 4, une multitude de collages avaient retenu l’attention de Fanny, comme ce triptyque en noir et blanc à l’angle de la rue d’Alsace (au-dessus du panneau indiquant le nom de la rue, un drôle de bonhomme coiffé d’un képi, qui ne semblait pas de bonne humeur, ce même personnage squattait aussi au-dessus du panneau de la rue Isodore Girard, à l’angle de la rue de la méditerranée), au 15, des portraits de femmes signés @elza.maria_arts et @my_soufane, puis un autre portrait de femme tout de rouge vêtue au numéro 3 et au 37, à l’angle de la rue de l’Aire, un autre visage de femme tout en couleurs signé Manyoly. Fanny tourna à droite rue de l’Aire, elle passa devant une jolie maison rose pastel, en partie recouverte d’une plante dont la jeune femme aimait particulièrement l’appellation : « belle de jour tricolore ». Cette plante produisait des fleurs d’un bleu nuit profonde. Fanny les adoraient.

                                                                                                                                               ***

En descendant rue de l’Aire Fanny décida d’emprunter à sa droite la rue de Lorraine. Avant de tourner, elle contempla le visage géant de la vieille dame peint au mur en noir et blanc puis celui de la jeune femme aux imposantes boucles d’oreilles, qui partageait la vedette avec la tête rabougrie de l’homme au képi aperçu deux fois auparavant… le regard de Fanny fût aussi attiré dans la rue de Lorraine par une maison orange, avec des cactus accrochés au balcon, sur laquelle nageait un banc de poissons. Au bout de la rue de Lorraine, une impressionnante fresque représentant une femme entourée de fleurs, et un message « la liberté c’est le choix », citation de Gisèle Halimi, connue pour avoir défendu le droit des femmes. Fanny rêvait d’avoir une carrière d’avocate aussi remarquable que celle de Gisèle Halimi. L’étudiante en droit pensait souvent au destin qui l’attendait, sans trop savoir où ses études la mènerait. Enivrée de sa promenade et de ses découvertes, Fanny s’était installée dans un café, sans autre but que de se reposer. C’est là qu’elle allait rencontrer Marius, et que son histoire prendrait une nouvelle direction.

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