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Baromètre 2023 des villes et villages marchables : Montpellier la mauvaise élève

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Vincent Chas est adhérent de l’association nationale « rue de l’avenir », qui travaille notamment sur la question des mobilités et dont le but est de faire avancer les mobilités douces, decarbonées pour apaiser la ville. 

Suite à la publication du baromètre 2023 des villes et villages marchables par le collectif d’associations dont « rue de l’avenir » fait partie, et qui place Montpellier en mauvaise position, Vincent Chas répond à nos questions. 

En quoi consiste ce baromètre des villes et villages marchables ?

C’est la deuxième édition, la première avait eu lieu en 2021, on avait eu 43 000 répondants, et en 2023 on a le même nombre à quelque chose près… Il s’intitule « baromètre des villes et villages marchables » l’idée c’est de faire parler les piétons en ville, car tout le monde marche et finalement il y a peu d’études sur les piétons… Il y a des études sur le vélo, sur les transports en commun, sur la voiture, sur tout les modes de déplacement mais il y en a assez peu sur la marche en ville, sur les piétons : est-ce qu’ils ont des conditions intéressantes de déplacement ? Est-ce qu’il y a des attentes particulières pour faire face à des difficultés quelconques? Donc le premier objectif c’est celui-ci, d’avoir la parole du plus grand nombre de piétons possible et c’est une initiative qui est prise par un collectif d’associations qui regroupe « rue de l’avenir », la fédération française de randonnée pédestre, 60 millions de piétons et le club des villes et territoires cyclables et marchables, donc quatre partenaires de format associatif au niveau national qui se sont réunis et qui ont mis ensemble leurs efforts pour faire ce baromètre… et on peut dire que c’est un petit succès parce que quand on a 40 000 questionnaires complets… En gros il y a 70 000 personnes qui se sont intéressés, 42 000 qui sont allées au bout du questionnaire et qui ont vraiment rempli ça de façon rigoureuse, donc ça nous donne quelques matières pour avoir des éléments. Sur les questions, il y a l’approche « le sentiment général du piéton dans sa ville » : comment il se sent ? Est-ce qu’il se sent en sécurité ? Est-ce qu’il se sent écouté par la commune ? Est-ce qu’il se sent pris en compte ? L’aspect « confort de la marche à pied » : est-ce qu’il trouve des bancs ? De la signalisation ? Des aménagements qui lui vont bien ? L’aspect « attentes qu’il pourrait avoir », qu’il pourrait juger nécessaire, et tout cela sous forme de priorités, de pourcentages de réponses entre « oui tout va très très bien » à « non ça ne va pas du tout », avec une échelle de choix, les personnes ont répondu à tout cela en ligne de fin novembre 2022 à fin mars 2023 et cela nous a permis d’avoir pas mal d’informations globales sur l’ensemble du territoire, et puis pour plus de 200 villes, 236 villes exactement, des informations plus détaillées sur toutes les attentes des répondants en ce qui concerne leurs déplacements. J’ajouterais que pour les répondants nous sommes bien sur la marche en ville parce que 85 % disent qu’ils marchent principalement en ville. Notre attente sur ce baromètre c’est quand même la marche utilitaire, c’est la marche avec des raisons pratiques pour faire ses courses ou pour aller à son travail, ce n’est pas le baladeur en rase campagne qui aime être en forêt etc… donc l’ensemble des éléments nous a permis d’avoir pas mal d’informations et il ressort de façon synthétique qu’il y a deux types de marcheurs : les marcheurs qui marchent facilement, qui vont se déplacer en ville sans soucis de place, de commodités et qui sont en général des hommes et des personnes sans difficulté de mobilité… et il y a les personnes qui marchent de façon contrainte, pour qui la marche est un peu « une galère » et se sont en général en premier lieu des personnes à mobilité réduite qui elles rencontrent toutes les difficultés qu’on peut trouver dans la marche en ville mais également des femmes, les personnes très âgées, des personnes étant en charge ou de jeunes enfants, des personnes également moins avantagées socialement, ces gens-là vivent davantage la marche comme une contrainte, l’idée est donc qu’il y a plusieurs familles de piétons en ville, on ne peut pas dire que pour « les piétons » il y a telle solution, tel projet, telle proposition pour améliorer leur situation. Il y a différentes sortes de piétons et il faut sans doute dans la définition des politiques publiques, que ce soit à Montpellier ou ailleurs, prendre en compte le fait qu’il y a des piétons de styles différents et que les réponses devront être un peu différentes selon les familles… 

Qu’est-ce qui ressort globalement du baromètre ? 

Sur les attentes, elles sont les mêmes au niveau national qu’à Montpellier à quelques pourcentages près et ce qui nous conforte dans ces résultats c’est qu’on a des résultats globaux très similaires entre le baromètre 2023 et 2021, il n’y a pas d’évolution très caractéristique et ça peut se comprendre parce qu’en deux ans les situations ne changent pas aussi vite que ça dans les villes, ça nous donne surtout l’idée que finalement la situation des piétons est un peu « certifiée », « confirmée » et à Montpellier comme ailleurs ce qu’attendent les piétons ce sont des cheminement, des trottoirs bien entretenus, désencombrés des poteaux, des poubelles, des voitures en stationnement illicite etc. sécurisés, en particulier au niveau des intersections, des cheminement plus larges également, ça c’est la première priorité, l’attente principale des piétons de toutes les villes. En seconde priorité ils demandent que les trottoirs soient réservés à l’usage des déplacements à pied, cela paraît surprenant, mais de nombreux trottoirs servent à 36 autres choses… Dans certains cas également aux autres mobilités douces qui se développent (et c’est un bien bien sûr) vélo, trottinette etc. sauf que quand c’est sur un même espace de deux mètres de large, les conflits ne tardent pas à apparaître, les risques de sécurité aussi bien pour les usagers en vélo ou en trottinette que pour les piétons… bref l’inconfort qui fait que ça devient assez décourageant, en tout cas très contraignant pour les piétons de se déplacer sur leur propre trottoir. La troisième priorité à prendre en compte qui est certainement très valable aussi à Montpellier c’est de verbaliser davantage le stationnement sur les passages piétons et les trottoirs, il est interdit, il est illicite, mais il est rarement verbalisé, en tout cas c’est ce qu’expriment les répondants au baromètre, ils n’ont pas l’impression de voir souvent des contrôles sur cet aspect de l’occupation du domaine public. En quatrième point, la demande est de modérer la vitesse des véhicules dans les lieux fréquentés par les piétons : il y a des hypercentres plus ou moins piétonniers qui sont à l’écart de ce genre de problèmes mais la situation devient beaucoup plus délicate dès que l’on quitte l’hypercentre, quand on est encore dans les centre-villes mais avec des voies qui sont parfois à 30 mais plus souvent à 50 km/heure, des intersections, des véhicules motorisés qui roulent à leur vitesse c’est-à-dire avec un différentiel de vitesse par rapport aux piétons qui les met en sentiment d’insécurité. En cinquième priorité : traiter les points noirs donc principalement les traversées de voies, les carrefours, et puis tout ce qu’on peut appeler les « coupures urbaines » (voie rapide, voie de chemin de fer, un canal…) qui obligent le piéton à faire un long détour parce qu’il manque une passerelle ou un passage inférieur etc. et en sixième priorité une demande qui est aussi importante : que les espaces piétonniers soient équipés de bancs, de toilettes, de bornes d’eau potable, ça ce sont des éléments qui sont souvent oubliés ou même quelques fois retirés… on voit des villes qui ont retirés des bancs ces dernières années et finalement les piétons ont besoin de ces équipements qui leur rendent la marche possible et confortable, en tout cas envisageable. Il y a des communes qui par exemple font des « plans bancs » des opérations pour mettre des bancs dans la ville, sachant que ce ne sont pas uniquement les personnes âgées qui réclament des bancs, il y a aussi des trentenaires, des quarantenaires… évidemment les seniors marchent mais les attentes sont encore plus fortes chez les trentenaires, quarantenaires, cinquantenaires… Ça c’est quelque chose d’important à soulever, que le baromètre met en avant, ces six priorités sont encore plus fortement exprimées par des personnes d’âge moyen. 

Vous parliez de conflit quand vous évoquiez une des premières priorités (que les trottoirs ne soit réservés qu’aux piétons), pouvez-vous développer ? 

On va dire du moindre conflit au plus grand conflit : le moindre conflit c’est « j’ai peur en tant que piéton, je crains d’aller sur ce trottoir pour aller à tel endroit parce que je sais que je vais croiser des vélos ou d’autres usagers qui prendront leur place donc il n’y aura plus de place pour les piétons, donc je n’y vais pas. » La deuxième phase c’est « je me déplace » et là vous pouvez bien imaginer tous les stades du conflit entre la gêne d’un piéton qui est frôlé par un vélo ou une trottinette, puis le degré supérieur c’est l’engueulade et le degré encore supérieur c’est éventuellement d’être plus véhément et puis le degré embêtant c’est la trottinette ou le vélo qui va être en collision avec un piéton… Tous les niveaux de conflit sont possibles dans une époque où toutes ces mobilités douces se développent, que ce soit la marche, les déplacements en vélo, plus cela se développe sur un espace identique, plus le risque de conflit monte. Ces conflits avec les vélos sont très très exprimés dans les métropoles de plus de 200 000 habitants, dans ces métropoles comme Montpellier on est à 70 % des piétons qui se plaignent et qui vivent mal la cohabitation avec les autres mobilités actives. 

Les piétons cherchent l’ombre à Montpellier, est-ce que cela ressort dans vos résultats ?

J’ai évoqué tout à l’heure les six premières priorités des piétons, il se trouve qu’il y en a d’autres… voilà la septième : un environnement plus végétal. C’est la septième priorité donc c’est quand même une attente forte… un environnement de cheminements piétons plus agréables notamment au niveau de la végétation, ce qui permet des espaces plus frais. 

Qu’en est-il du baromètre à Montpellier ?

Il y a près de 700 répondants à Montpellier, 694 exactement, et plus de 700 commentaires. Par exemple, à la question : est-ce que les trottoirs sont suffisamment larges et permettent de se déplacer de façon aisée ? À Montpellier on a 67% des répondants qui disent « non », donc 2/3 des piétons à Montpellier trouvent qu’on ne peut pas se déplacer de façon aisée dans la ville. Autre point : Sur la circulation des véhicules motorisés (automobiles, poids-lourds etc.) 74 % des répondants à Montpellier trouvent qu’elle est très gênante. Concrètement les résultats de Montpellier sont un peu plus bas que les résultats nationaux ce qui a amené la ville de Montpellier à ne pas être bien classée dans ce baromètre 2023. On a parlé des conflits potentiels avec les autres véhicules, par exemple vélo, trottinette… À Montpellier 60 % jugent qu’il est très important pour les piétons d’être séparés des vélos ou autres engins tels que trottinette etc. 80 % des répondants jugent que les conflits sont fort fréquents avec les vélos (que ce soit classiques ou à assistance électrique), 80 % jugent qu’il y a des conflits fréquents donc c’est ce que j’ai évoqué tout à l’heure, il y a vraiment dans les métropoles, à Montpellier comme ailleurs, des problèmes de cohabitation entre piétons et vélos qui deviennent presque aussi prenants qu’avec les véhicules motorisés. Après sur les aspects de confort, les obstacles visiblement c’est un souci, obstacles sur les cheminement piétonniers que peuvent représenter les étalages, les terrasses, les panneaux, les poubelles ou des voitures garées… 83 % des répondants jugent qu’il y a vraiment toujours la présence d’empiètements sur leur espace piéton, 83 % c’est beaucoup plus que la moyenne nationale, il y a une attente des montpelliérains sur le fait que les trottoirs, les espaces piétonniers soit un peu plus libres de toutes sortes d’occupations qui vont à l’encontre des déplacements piétons… et puis sur les bancs, et distributeurs d’eau potable ou abri en tout genre, 78 % relèvent qu’il y a absence d’aménagements… En parcourant les commentaires on a l’impression que l’hypercentre est assez apprécié mais que dès qu’on s’en éloigne sans aller très loin dans la périphérie, là les mécontents citent tout un tas d’endroits moins agréables et à propos de leur priorités : l’amélioration des cheminements par la végétation, au niveau national, c’est la septième priorité, à Montpellier, elle remonte en sixième priorité.

Maintenant les attentes principales à Montpellier, c’est assez particulier aussi : au niveau national l’attente principale est d’avoir des cheminements piétons plus larges et bien entretenus et à Montpellier ce n’est que la deuxième priorité, la première priorité à Montpellier étant de réserver l’usage des trottoirs aux déplacements à pied, donc visiblement il y a une situation particulière à Montpellier qui est davantage liée à l’occupation des trottoirs ou des itinéraires piétonniers. Après on retrouve les mêmes enjeux qu’au niveau national : coupures urbaines, stationnement, vitesse. 

Y a-t-il des métropoles exemplaires sur l’aspect « marchable » ? 

Il n’y a pas de métropole exemplaire mais il y a des villes plus ou moins appréciées par leurs piétons et donc avec ces résultats de baromètre on a pu avoir sur 236 villes des éléments un peu plus précis, par exemple dans les grandes villes de plus de 200 000 habitants on va avoir Rennes, Strasbourg et Nantes : les répondants de ces villes qui se sont intéressés au baromètre des villes et villages marchables les ont mieux notés. La part de la marche est en moyenne 20 à 25% au niveau national, à Strasbourg on arrive à 50%… les villes qui s’engagent de longue date pour donner plus de place aux piétons ont plus de résultats que les villes qui viennent de démarrer des démarches pour une ville plus agréable pour les piétons. L’objectif du collectif qui porte ce baromètre est d’augmenter la part de la marche à 30% (de tous les déplacements) en 2030. Pourquoi cet objectif ? Dans une époque où l’on parle de mobilité décarbonnée, de centre-villes moins monopolisés par la voiture, la marche est le mode le plus décarbonné qui soit. Une étude montre que 40% des déplacements de moins de 3 kilomètres sont fait en voiture, pourquoi ? En premier lieu parce que c’est plus commode, moins incommode « je préfère aller déposer mon enfant à l’école en voiture plutôt qu’à pied parce qu’à pied il faut que je traverse trois carrefours, il y a des intempéries, l’insécurité… » donc c’est un ensemble de choses et l’objectif de ce baromètre, c’est de faire prendre conscience que ces petits déplacements de proximité, de moins de 3 kilomètres, peuvent très bien se faire à pied, l’idée est de s’interroger : pourquoi je ne le fais pas à pied ? Parce qu’il y a tout un tas de gênes aux déplacements piétons qui font qu’inconsciemment j’en suis assez découragé . 

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