L’association Sud Babote qui existe depuis environ 10 ans à Montpellier est une association de citoyens qui s’occupe de ce qui se passe dans le quartier centre, organise des activités culturelles (rencontres citoyennes, animations au square Planchon avec des enfants…) et qui s’intéresse particulièrement, à la mobilité dans le centre-ville de Montpellier. Sud Babote est aussi le correspondant local de l’association 60 millions de piétons. Entretien avec Guy Ciblac, président (et fondateur) de l’association Sud Babote et Gérard Canon vice-président de l’association.
V2M : La mobilité et les conflits d’usage font partie des sujets qui intéressent votre association…
Gérard Canon : Oui, et surtout les difficultés qu’il y a à conjuguer les vélos, les piétons, les trottinettes, et cette anxiété des personnes âgées en particulier qui n’osent plus aller en ville à cause de ces conflits. Moi qui passe en ville tous les matins, je vois que les vélos roulent à toute vitesse malgré qu’on impose dans les rues piétonnes de rouler au pas, et ça c’est encore un autre sujet, parce que « le pas » n’est pas celui de la sécurité routière, rouler au pas ça veut dire rouler entre 3 et 4 kilomètres/heure et entre 3 et 4 kilomètres/heure, les vélos ne peuvent pas rouler au pas, donc il faut mettre pied à terre.
Guy Ciblac : C’est de façon indirecte que les élus et les gens de vélocité évoquent 6 kilomètres/heure, et 6 kilomètres /heure c’est vraiment des gens qui marchent de façon sportive, énergique, et encore il faut vraiment qu’ils soient en bonne forme, la vitesse retenue pour le pas, c’est 3,5 kilomètres/heure, et encore… les enfants, les personnes âgées, les touristes qui se baladent, ils marchent à 1,5 kilomètre, deux kilomètres/heure, donc une fois qu’une foule mélange ces différentes petites vitesses, car tout le monde ne marche pas exactement à la même vitesse, c’est beaucoup plus lent que 6 kilomètres/heure, du coup, si on est à vélo, [on va trop vite], et ça c’est assez difficile de le faire admettre, à la fois aux élus, aux gens des services, et aux gens qui ont des béquanes. En somme on peut dire que la totalité des vélos ne respecte pas les zones piétonnes, ils s’estiment tout à fait de droit d’être dans une zone définie comme une aire piétonne et notre travail est d’amener les élus à réfléchir voire même à prendre des arrêtés comme ça a été fait à Lille, à Agen, à Nice, Niort : là-bas les élus ont pris des arrêtés municipaux qui disent « dans cette zone, c’est strictement piéton, si vous voulez passer à vélo vous mettez pied à terre ».
Gérard Canon : On a commencé à formuler ce souhait auprès de l’élue Julie Frêche, et pour l’instant on n’a pas été plus loin, parce qu’on voudrait avoir un véritable rendez-vous avec elle pour ce sujet-là, pour l’instant on a eu des rendez-vous très généralistes, et ça n’a pas été vraiment débattu.
Guy Ciblac : [et elle répond à ce sujet de la vitesse au pas] avec de faux arguments, elle va soutenir que « le pas » c’est 6 kilomètres/heure, les élus l’ont dit à la réunion publique au sujet de la piétonnisation du sud comédie, ils ont préparé une série de flyers sur le partage des mobilités, mais ils glissent entre la définition d’une zone piétonne et d’une zone partagée, c’est-à-dire un partage de l’espace avec les vélos, et donc à partir de ce moment-là ça autorise les gens qui ont des vélos à rester sur leurs bécanes…
Mais ce partage ne marche pas selon vous ?
Guy Ciblac : C’est la loi du plus fort, quand le vélo arrive, c’est « pousse-toi, que je m’y mette », il y a une incivilité qui fait que les cyclistes ne font pas très attention, il faut que ce soit les piétons qui se déplacent et si on leur fait des remarques on a quand même en retour des réflexions qui sont plutôt de basse qualité on va dire…
Gérard Canon : Toutes ces jurisprudences qu’il y a eu à Niort, Agen, Nice, Lille et qui disent que les piétons sont prioritaires sur les vélos, ont été faites parce qu’il y a eu des accidents, mortel à Nice et très grave pour un jeune garçon à Agen, donc c’est à partir de là que le maire a pris des décisions drastiques, concrètement les vélos ont été interdits dans ces centres-villes.
Guy Ciblac : Quand on dit la jurisprudence c’est que le tribunal administratif vers lequel se sont retournées les associations de vélos a déclaré que l’arrêté municipal qui dit que la zone est strictement piétonne et que les cyclistes doivent mettre pieds à terre s’ils y passent, était valable, c’est-à-dire qu’on ne peut pas le retoquer. [Nous, nous voudrions la même chose] rue du faubourg de la saunerie, rue des étuves et Grand rue qui sont très passantes… et quand on évoque la place de la Comédie, Julie Frêche répond que quand il y aura l’aménagement vélo dans le tunnel de la Comédie, les cyclistes passeront par là, sauf que c’est un faux argument : tous les gens qui sont en vélo sur la place de la Comédie ne sont pas des gens qui transitent de Victor Hugo à la route de Nîmes, le tunnel c’est fait pour les gens qui traversent… ce qu’on souhaite c’est pouvoir aborder ces questions dans le calme et en parler sérieusement. Si on reste sur une définition absolue, une aire piétonne devrait demander aux cyclistes et trottistes de mettre pied à terre. Une étude faite par des services d’aide à la personne a montré que les personnes âgées hésitaient à sortir dans la rue parce qu’ils ne se sentent pas en sécurité, ils ont peur, du coup en restant chez eux ils se désocialisent, ils ne vont plus discuter avec le boulanger, le boucher, la voisine etc… et ils tombent dans la dépendance beaucoup plus vite, c’est un retrait de la vie sociale, alors que logiquement, quand on crée une aire piétonne, la publicité qui en est faite est au contraire de développer une espèce de sociabilité et de paisibilité, ce qui n’est pas le cas dans les faits. D’ailleurs, il y a un autre argument, qu’on pourrait avancer, on fait beaucoup de publicité pour une ville touristique, mais si vous êtes touriste, si vous voulez regarder les immeubles, vous devez éviter deux choses : au sol, ce sont les crottes de chien (et donc se pose la question de la propreté) et puis éviter de se méfier d’être frôlé par un vélo ou une trottinette.
Gérard Canon : Et pour les commerçants ça ne peut être que positif, parce que s’il y a plus de gens qui sont à pied, ce sera donc des chalands supplémentaires pour les commerçants, et quand on est à pied, on regarde, on s’intéresse, on n’est pas sur nos gardes, donc il n’y a que du positif.
Récemment le cours Gambetta a changé en termes d’équipements cyclables, qu’en pensez-vous ?
Guy Ciblac : Les gens sont assez mécontents, de façon générale, sur Gambetta c’est surtout qu’il n’y a pas de signalétique, donc les gens ne savent pas exactement où ils doivent se mettre, si la piste cyclable est dans un sens ou dans l’autre… Normalement, elle est dans un sens, et les gens la prenne dans les deux sens. Dans l’autre sens il y a toujours la piste cyclable sur le trottoir, mais ce n’est pas très bien signalé donc les piétons sont sur la zone cyclable définie et ce que les gens nous font remonter c’est qu’il n’y a pas de signalétique vraiment évidente. De la même façon sur le grand Saint Jean (rue du Grand Saint Jean NDLR), où ils viennent d’installer un morceau de l’anneau cyclable, ils ont partagé la rue en deux : une voie qui vient du pont de Sète vers Saint Denis, qui est mixte voiture/vélo dans le sens Pont de Sète/Saint Denis pour alimenter les parkings de la Comédie etc. et de l’autre côté une voie réservée strictement aux vélos, qui a la largeur équivalente, et les gens qui viennent du pont de Sète n’aiment pas trop être mêlés aux voitures, résultat, ils prennent à sens inverse la piste cyclable d’en face. Idem, il y a un manque de signalétique.
Certains cyclistes sonnent les piétons, en ont-ils le droit ?
Guy Ciblac : Ce qui est défini c’est que c’est la personne la plus fragile qui est prioritaire. La pyramide c’est : les piétons, ensuite les cyclistes, les motos puis les voitures, donc ce que les cyclistes qui klaxonnent ne savent pas c’est qu’en fait ils ne sont pas prioritaires sur les piétons, le problème c’est que les élus, la collectivité, ont laissé s’installer des pratiques délictueuses et ça va être difficile de redresser la barre. Là, la ville dit qu’ils vont sortir une série de flyers pour communiquer sur les règles entre voiture, trottinettes…mais qui va lire ce flyer ? Nous on dit qu’il faut de la signalétique.
Gérard Canon : Il faut malheureusement qu’il y ait des accidents graves pour que les maires se décident à faire quelque chose. On fait des réunions, ils sont ouverts aux discussions, mais il n’y a pas de résultat.