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Centre-ville de Montpellier :
les secours empêchés

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A Montpellier, les travaux et la circulation modifiée rendent très difficile le quotidien des infirmiers libéraux, pour qui la voiture est un outil indispensable.

 

Ils sont 16 000 en Occitanie, 400 à Montpellier, une centaine dans le centre-ville. Ce sont les infirmier.e.s libéraux, qui parmi leurs fonctions, dispensent des soins à domicile.

 

Leur profession les oblige à se déplacer en voiture, « nous transportons du matériel lourd, pansements, appareil à tension, ceinturomètre, seringues…  Notre métier est physique, alors se poser en voiture entre deux consultations est important» » explique Claudine, infirmière à Montpellier depuis 34 ans. De ce fait, les travaux effectués en ce moment par la municipalité (fermeture de la rue Saint Louis, fermeture du cours Gambetta) et la réduction à une voie de circulation (pour la création de voies cyclables) sur des grands axes comme la voie domitienne rallongent considérablement leur temps de trajet, leur « mettent des bâtons dans les roues » souligne Claudine : « je reste coincée dans les bouchons, il n’y a pas de place pour se garer, et quand j’arrive à me garer, c’est le racket au niveau des parcmètres ». Deux euros cinquante par déplacement, c’est le forfait que reçoit Claudine, « alors si on paye plus de deux euros de parc mètres on ne s’y retrouve pas ».

 

Claudine est basée avenue du père Soulas et a des patients sur différents quartiers de Montpellier mais aujourd’hui, elle ne prend plus de patients en centre-ville, secteur devenu trop difficile d’accès en voiture. Quand elle se déplace, elle passe des heures dans la circulation « la voie Domitienne est toujours bouchée, et une fois qu’on arrive chez les patients on a l’angoisse de parvenir à se garer ». Conséquence directe : Claudine accepte les patients en fonction de la facilité à circuler en voiture et à se garer « vers la rue Saint Louis maintenant fermée, je ne prends plus de patients, trop difficile de se garer. »

 

Même constat pour Loïc, infirmier depuis 11 ans à Montpellier « je ne vais plus en centre-ville et dans la première couronne [cours Gambetta], je redirige les patients vers des confrères qui se déplacent en scooter ou en trottinette mais ils ne sont pas assez nombreux, il y a de moins en moins d’offre de soin en centre-ville, et du coup je pense que les gens vont de moins en moins habiter le centre de Montpellier… »

 

Les propos de Loïc sont corroborés par ceux de Jean-François Bouscarain, président départemental de la FNI, la Fédération Nationale des Infirmiers, « l’offre de soin doit être au cœur de la cité, et sans accès au centre pour les automobilistes, c’est compliqué pour les infirmiers de se rendre chez les patients, sachant que les infirmiers sont les dernières personnes à se rendre au domicile des patients, parfois plusieurs fois par jour ».

Partant de là, les travaux qui limitent voire coupent l’accès au centre-ville ont un effet immédiat sur les infirmiers dans l’exercice de leur métier : « les politiques publiques doivent prendre en compte l’offre de soin quand ils pensent une politique, il y a cette anecdote à Gignac, l’anecdote du pont, dont les horaires de passage ont été réduits pour cause de travaux, sans consultation des infirmier.e.s du territoire, qui prennent ce pont 30 fois par jour pour se rendre en consultation… »

 

Alors que faire ? la profession « s’adapte », celles et ceux qui consultent en centre-ville se déplacent en deux roues et portent sur le dos leur matériel médical « mais ils peuvent le faire parce qu’ils sont jeunes, quand ils vieilliront ce sera une autre histoire » précise Jean-François Bouscarain.

 

Pourquoi ne pas prendre en compte les infirmiers ? Réponse simple de Bouscarain : « il y a une méconnaissance de nos exercices, les institutions se parlent entre elles et ne comprennent pas nos quotidiens. »

Plus de temps dans les bouchons, et moins de chiffre d’affaires

Le matin, lors de sa première tournée, Loïc passe deux heures dans les bouchons, et le soir, il met « parfois trois heures pour voir six patients, normalement une consultation c’est 15 minutes en moyenne… ». Double conséquence : non seulement Loïc voit son chiffre d’affaires baisser « on prend moins de patients à cause du traffic donc notre chiffre d’affaires baisse », mais plus inquiétant, il ne peut pas se déplacer rapidement en cas d’urgence, et c’est problématique car, dit-il « dans le soin rien n’est prévisible ».

 

Aujourd’hui ils sont une centaine d’infirmiers ayant un cabinet en cœur de ville. Véronique fait partie de ceux-là, elle a un cabinet Boulevard Louis Blanc et travaille à Montpellier depuis 25 ans. Quand Véronique consulte dans le centre, elle se déplace en trottinette, pas d’autre choix. Pour aller de chez elle à son cabinet en évitant les bouchons, elle doit regrouper ses consultations sur certaines tranches horaires « sinon je passe trop de temps dans les embouteillages ». Véronique poursuit « je trouve ça assez bizarre qu’on ait presque complètement fermé le centre-ville, aux voitures ».

Un des patients de Véronique lui a raconté une histoire ubuesque : sa femme se trouvant mal, il a appelé les pompiers, qui ont refusé de se déplacer, expliquant qu’il était trop compliqué d’accéder au centre-ville… « mon patient a emmené sa femme à l’hôpital… en tram! ». Véronique rejoint les propos de Loïc et de Jean-François Bouscarain « l’offre de santé baisse en ville, même SOS médecin veut de moins en moins venir, ils prennent des PV quand ils se garent ! »

 

Gabrielle est elle aussi infirmière dans le centre de Montpellier, son cabinet est situé boulevard de Strasbourg et elle habite au Crès « je mets une heure pour aller au cabinet le matin, arrivée à la Pompignane c’est complètement bouché ». Tout ce temps passé dans les bouchons, Gabrielle ne le passe ni avec ses patients ni en famille, et elle simplifie en posant une simple question « ceux qui ont besoin de leur voiture à Montpellier, comment font-ils ? »

Tuer la ville

Claudine se demande même si la municipalité ne cherche pas à les « embêter ». Pour Jean-François Bouscarain « s’il n’y a pas d’offre de santé dans la ville, c’est compliqué d’y vivre, et on va voir les centres-villes se déserter… ». Du côté des patients, certains angoissent à l’idée de venir en consultation explique Claudine « ils sont trop âgés pour prendre les transports et n’arrivent plus à circuler en voiture, ils se cloitrent donc de plus en plus et se demandent si la municipalité cherche à tuer la ville… »

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